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Conférence à Hendaye Agora Europe

LA CRIMINALISATION DE LA SOLIDARITÉ AVEC LES MIGRANTS

Compte rendu de la conférence du 3 octobre 2022
« Eau comme frontière » (Uga muga bezala)

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, organisée par Agora Europe dans le cadre du programme Européen EU-MED, sous l’égide de l’Union européenne. La doctorante hendayaise Caterina Di Fazio, de l’Université Radboud à Nijmegen (Pays-Bas) avait invité plusieurs universitaires et représentants associatifs – ou les deux à la fois - à s’exprimer sur le thème de la migration et des migrants.
« Eau comme frontière » (Ura muga bezala), tel était le titre de la conférence publique du lundi 3 octobre à Hendaye, organisée par Agora Europe dans le cadre du programme Européen EU-MED, sous l’égide de l’Union européenne. La doctorante hendayaise Caterina Di Fazio, de l’Université Radboud à Nijmegen (Pays-Bas) avait invité plusieurs universitaires et représentants associatifs – ou les deux à la fois - à s’exprimer sur le thème de la migration et des migrants.
Elle a d’abord rappelé que la date de cette rencontre était un triste anniversaire : en effet, c’est le 3 octobre 2013 qu’une embarcation transportant environ 500 migrants clandestins africains faisait naufrage près de Lampedusa, île italienne proche de la Sicile. La catastrophe avait fait 366 morts.
Deux universités de Bilbao travaillent sur le sujet de la migration : l’Université du Pays Basque et l’Université privée Deusto.
  • Anaitze Agirre (Univ. Pays Basque et membre de Irungo Harrera Sarera) a parlé du but des associations humanitaires des deux côtés de la Bidassoa : redonner une petite chance à ceux dont le droit était bafoué. Parlant de chasse à l’homme, elle a rappelé que le Pays basque pouvait fournir quelque accueil à ces exilés, et rappelé qu’ils n’avaient plus le droit de rester à la Croix Rouge d’Irun que trois jours désormais.
  • Peio Aierbe (SOS Racismo) a rappelé le droit à la mobilité, fondamental. Même si l’Etat a le droit de contrôler ses frontières, il doit respecter les droits humains. Aujourd’hui, ce sont les politiques des Etats qui sont responsables des morts (11 noyés ou écrasés par un train entre Irun et Hendaye). On assiste à une politique d’immigration franchement raciste, d’extrême-droite, dans toute l’Europe. Il a aussi rappelé que le migrant était un sujet actif, pas passif, et pouvait bénéficier de la citoyenneté. Il a appelé à la désobéissance civile en multipliant les associations, les espaces d’actions solidaires et des droits humains.
  • Étienne Balibar (philosophe, ancien professeur à Columbia Université, N.Y.) a montré que la mer était devenue un élément d’extermination d’une population qu’on avait pourtant tous les moyens techniques de sauver. Il y a en matière de migration aujourd’hui une dimension génocidaire, un crime contre l’humanité, une sorte de planification du non-secours. Ce peuple d’errants aux portes de l’Europe va grossir et on entretient à dessein les peurs des populations. Il a lui aussi appelé à un sursaut civique et à la mise en réseau de tous les militants associatifs.
  • Iker Barbero (Univ. Pays Basque), rappelle que 100 000 migrants annuels sont retenus à la frontière selon les chiffres de la police. Mais qu’il manque une quantification et une qualification des personnes : qui, quel parcours, témoignages,…). Pendant ce temps, que se passe-t-il au Conseil Européen ? Le pire : accords conclus avec des pays tiers, et assassinats en pleine rue.
  • Vicky Claramunt (Salvamento Maritimo Humanitario). Cette association possède un bateau qui intervient en Méditerranée, notamment sur l’Ile de Chios en Grèce, à 4 000 milles marins de la Turquie. « Depuis 7 ans, on va les chercher sur les plages, on les soigne, on les met dans des camps de réfugiés, où les conditions sont terribles et proches de celles des camps de concentration nazis ». Parmi ces réfugiés d’Iraq, Syrie, Afghanistan, Palestine, Congo, etc. il y a souvent des gens diplômés qui sont précipités dans la clochardisation. La présence de SMH empêche les gouvernements d’exercer cette cruauté. « La frontière est ouverte, oui, pour les riches et pour le commerce, mais pas pour les pauvres. Nous continuerons à lutter contre ces misérables dans les gouvernements ; c’est à la société civile de continuer d’assurer les droits humains. »
  • Dolores Morondo Taramundi et Gustavo de la Orden Bosch (Univ. Deusto) travaillent dans le même laboratoire à étudier la criminalisation de la solidarité. Ils ont rappelé que les défenseurs des droits humains sont soumis à toutes formes d’attaques dans de nombreux pays du monde (disparitions, exécutions, harcèlement, diffamation, etc.). En Europe, malgré l’affichage de promotion et protection des droits fondamentaux, on convertit la solidarité avec les migrants en un crime. L’Université de Deusto s’est rapprochée des acteurs associatifs de la frontière Irun-Hendaye pour analyser leur expérience et leur travail.
  • Ignacio Mendola (Univ Pays Basque) a évoqué la chasse à l’homme comme la meilleure image qui soit, marqueur des relations avec le passé colonial et, outre les normes d’Etat, a rappelé qu’il existait des normes policières à la fois dans la loi et en dehors. Même si la « frontière » n’est pas systématiquement matérialisée, les migrants doivent en permanence chercher le lieu où ils vont pouvoir passer sans se faire chasser. « La politique migratoire est une nécropolitique », a-t-il dit. En tant que citoyens européens, nous avons une responsabilité. « Que faisons-nous du pays qui est le nôtre ? » a-t-il demandé. « Nous en servons-nous pour accueillir et construire ou pour éliminer » ?
  • Joël Gaudin, président de l’Association des usagers du port d’Hendaye (AUPH), a parlé de son cauchemar qui est de tomber à nouveau sur un jeune migrant. Celui-là était à la dérive sur une planche, sans rame, entraîné par les courants. Il l’a recueilli à son bord, appelé le SNSM « pour se débarrasser de la patate chaude » ou le SAMU, puis l’a laissé partir quand il est arrivé au port. « J’avais le sentiment de ne pas faire ce qu’il fallait », a-t-il confié.
  • Martine Garsia, au nom de Bidasoa Etorkinekin, a donné des nouvelles de ce qui se passait à la frontière entre bénévoles d’associations et forces de police et parlé des récentes évolutions de ce bras-de-fer. (texte complet disponible) .
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