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Conférence à Hasparen

le 25 mars 2022

(3 présentations de chercheurs en sociologie et droit)

ANA LISA LENDARO, JURISTE, CALAIS

Travaille sur :
  1. Le projet « DISPO » (pouvoir discrétionnaire de l’Etat aux frontières). L’Etat cherche à gouverner le territoire par une exemplarité de dispositifs très localisés. Trois zones sont identifiées :
    • Le Calaisis
    • La vallée de la Roya (Nice)
    • Irun/Hendaye.
  2. Les effets de ce pouvoir sur les collectifs qui accompagnent les exilés. Usages du droit chez les militants :
    • Se défendre
    • Être offensifs : plaintes contre les pratiques abusives de la police. C’est ce qu’ils multiplient à Calais. Dossier contre la Préfecture pour rendre illégale l’interdiction de distribuer de la nourriture.
Le travail en droit sur certains litiges est coûteux en temps, en énergie, en argent pour les associations, et c’est certainement voulu.
Le premier territoire où on a travaillé est La Roya, on a suivi tous les procès jusqu’à ce qu’on obtienne un succès juridique (Conseil constitutionnel 2018), mais ça a provoqué une énorme fatigue chez les militants, suivie d’un découragement. C’est vraiment une « arme de dissuasion » dont l’Etat se sert.
Question : comment éviter les procès des militants à partir de ce qu’on a appris ? Cet acharnement policier et judiciaire entraîne aussi des amendes à payer, des perquisitions de véhicules, de domiciles, …
Calais : Même histoire de harcèlement des autorités, avec expulsions de campements tous les deux jours (et reconstitution) et établissement de périmètres de sécurité pendant les opérations de police, pour éviter que les militants documentent.
Il y a bien un arrêté de la Cour européenne concernant les droits de l’homme, notamment le respect de la vie privée familiale et du domicile + le droit à la propriété privée. En outre, il n’y a aucun respect du « principe du contradictoire », qui est fondamental dans le droit (on ne sait même pas le nom des personnes qui sont chassées).
Il y a un gros travail fourni par les militants associatifs, qui ont documenté ces faits avec des photos et des vidéos pour établir des dossiers de preuves. On a 48 heures pour monter un référé après que les expulsions sont faites, a posteriori. Et comme elles sont souvent ordonnées un vendredi… Notre but est de stopper les décisions d’expulsion du juge. La fin de l’histoire est qu’il n’y a eu aucune suite aux recours et que certains militants se voient en outre infliger plusieurs milliers d’euros de frais de justice.
Des actions militantes ont aussi été menées contre la PAF (police aux frontières) pour vol d’argent et de téléphones, avec vidéo à l’appui.
Nous devons affiner nos capacités à récolter des preuves à utiliser dans un contentieux autour de ces anomalies.

IKER BARBERO, UNIVERSITE DU PAYS BASQUE.

A mené un projet de recherche autour de l’accueil des migrants en transit dans plusieurs lieux en Espagne. Son livre vient de paraître.
Parcours de la Méditerranée (migrants depuis les Canaries, le Maroc (problème de l’occupation du Sahara). Il s’agit d’un objet politique, le Maroc doit renoncer au Sahara. Cette occupation est contraire aux textes européens. Le Maroc ouvre donc les vannes de l’immigration pour faire pression.
A l’arrivée en Espagne, les migrants sont internés dans des centres de rétention où ils restent trois jours maximum.
Expulsions de Ceuta et Mellila (enclaves espagnoles au Maroc).
Espagne/Italie/Grèce : l’UE a autorisé le passage, mais les migrants irréguliers sont victimes d’expulsions.
En Espagne, les demandeurs d’asile sont très majoritairement d’Amérique du Sud, venus en avion, arrivant à Madrid avec un visa touristique. Parmi les personnes venues d’Afrique, très peu demandent l’asile. Ceux qui viennent du Mali, de Guinée, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, d’Algérie et de Syrie sont de culture française et veulent venir en France.
Au Pays Basque , arrivent des exilés de Côte d’Ivoire, de Guinée, du Mali et assez peu de Marocains, en tout cas ces derniers n’utilisent pas les auberges à disposition. Parmi eux, de 12 à 20 % de femmes.
La plateforme Irun, Donostia, Bilbao et Artea est financée par l’Etat espagnol et le Pays Basque.
A Irun, les exilés rechargent leur mobile, mangent et dorment, peuvent rester sur place. L’accueil se fait par quartiers. A Artea, vallée rurale, expérience intéressante avec un autre modèle, d’autres rythmes, sans aucune bureaucratisation de l’accueil.
Les « Dublinés ».
Quelques chiffres des demandes faites en France : plus de 9 000 demandes, en Allemagne 3 800, en Belgique 2 400. La France dit aux exilés : vous êtes arrivés par l’Espagne, retournez en Espagne. Alors que ces personnes sont si proches culturellement de la France ! C’est une immense déception, leur « deuxième patrie » leur claque la porte au nez.
A la frontière de La Junquera, passent énormément plus de réfugiés que dans d’autres lieux de passage. Les media disent que ce qui se passe à la frontière basque est pire, c’est faux ! Quand on enregistre 58 passages à Irun, il y en a 1 971 à la Jonquera.
Solidarité particulièrement marquée au Pays Basque.
Au Pays Basque sud, il n’existe pas de litige, pas de violation des droits. Les problèmes sont avec la PAF française, y compris avec des emprisonnements, la raison en est peut-être l’approche des élections présidentielles. Chez nous, il n’y a pas de criminalisation des militants.
Ce travail universitaire se poursuit.

THOMAS SOMMER-HOUDEVILLE, CNRS Toulouse

Particularités du Pays Basque Nord :
  • Densité des réseaux de soutien (associations/groupes, individus, partis politiques, syndicats,…). Ce qui demande des ressources humaines, financières et une connaissance du droit et de l’Administration.
  • Accueil long terme (avec projet de vie) ou court terme
  • Présence de la CIMADE qui est d’une grande aide
  • Engagement des politiques locaux, ce qui est important pour établir un rapport de force / collaboration. Tensions aussi, par exemple Pausa qui se termine en clash.
  • Le grand maillage du territoire crée un rapport de force politique. C’est vraiment la marque spécifique du Pays Basque Nord.
On observe un durcissement dans la politique de l’Etat depuis 2021 qui va de pair avec une plus grande solidarité locale. On note un début de répression, qui s’accélère.
ATTENTION ! MILITANTS, CA VA S’INTENSIFIER !!
Nécessité de sécuriser la route Hendaye-Bayonne.
Que convient-il de faire en présence de ces rapports de force ? S’armer par rapport à la répression police/justice. Aller voir les employés du rail. Chercher des alliés. Rapport de forces politique/sociale est important au PB nord. En Hegoalde, quelques criminalisations, pas d’opération de police. Seulement des demandes d’identité. Question de la salle : peut-on trouver une faille dans le droit pour anticiper la future criminisalisation des mililtants ?
Est-il légal de transporter des gens ? La réponse est oui. Mais la police diffuse la peur pour les militants.
Est-il légal de traverser la frontière sans demander d’argent ? (j’ai noté Bof ! comme réponse…)
Une militante de la frontière de la région de Perpignan dit qu’ils ont eu le soutien de la CGT Cheminots, car la SNCF avait créé un parcours très dangereux pour les exilés lors du passage du tunnel de Cerbère.
Le conférencier appelle à discuter samedi des problèmes pratiques, particulièrement le bornage des téléphones.
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